Tsunami meurtrier en Asie du Sud-Est

Séisme et raz de marée sans précédent

Entretien de M. Michel Barnier
Ministre des Affaires Etrangères

avec Europe 1 - Paris, 4 janvier 2005.
Séisme et raz de marée meurtriers, catastrophe sans précédent en Asie du Sud-Est
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question : Pour l'Europe, c'est une tragédie, un deuil européen, on dit que maintenant, nous ne sommes pas loin de 10 000 morts. Maintenant, vous savez vous-même, pouvez-vous révéler le nombre des victimes françaises ?

REPONSE : C'est un deuil pour l'Europe, c'est un deuil pour le monde, parce que jamais on n'a connu, de mémoire d'homme, une catastrophe planétaire qui touche autant de pays à la fois qui sont parmi les plus pauvres et, en même temps, les plus peuplés. Je vais être prudent sur les chiffres car, derrière eux, il y a des hommes, des femmes, des familles inquiètes ou brisées. Aujourd'hui, ce que je peux dire sûrement, c'est que 22 Français sont morts dans cette catastrophe, moins de 100 personnes disparues, des personnes dont on nous a dit qu'elles avaient disparu, mais il faut vérifier et on voit qu'en vérifiant, quelquefois, les choses ne se sont pas passées exactement comme on nous les avait dites. Des personnes ont été emportées par les flots, ce sont des personnes disparues, mais on en retrouve certaines, donc ce chiffre évolue.

question : On les retrouve vivantes ?

REPONSE : On en a retrouvé quelques-unes vivantes.
Donc il y a moins de 100 personnes disparues pour lesquelles on peut être inquiet mais il faut des vérifications.
Et enfin, il y a plusieurs centaines de personnes, et là aussi les chiffres évoluent, dont nous n'avons pas de nouvelles : des gens qui étaient en vacances dans cette région, qui ne venaient pas forcément de France, qui habitent Tokyo, Pékin.
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question : On disait 500 ou 600, combien de ces 500 ou 600 reviendront ?

REPONSE : Comment voulez-vous que je vous le dise ? Je le saurai précisément quand ces gens, s'ils sont revenus, nous le diront. Voilà pourquoi ici, à "Europe 1", et partout, je demande à ceux qui sont revenus par leurs propres moyens là où ils habitent, dans la région parfois, en Europe ou chez nous, en France, de nous le dire. Nous avons besoin de le savoir et pour le savoir, il faut que ces gens qui sont revenus, ou ceux qui nous ont appelés à la cellule d'urgence du Quai d'Orsay pour nous demander des nouvelles de leurs proches et qui depuis en ont eu directement, qui ont été rassurés, que ces personnes nous appellent pour nous dire ce qu'ils savent en téléphonant au 0 800 174 174. Nous avons besoin de savoir !

question : Quel type d'espoir, Michel Barnier, gardez-vous ce matin ?

REPONSE : Je garde l'espoir que des gens qui ont disparu ou qui n'ont pas donné de nouvelles nous en donnent. Je ne dirai rien de plus car, encore une fois, derrière tous ces chiffres qu'il faut manier avec prudence et précaution, il y a des hommes, des femmes et des familles brisées.

question : D'autant plus que vous êtes allé sur place, l'un des premiers, sinon le premier, vous les avez vus, entendus.

REPONSE : D'abord, au Sri Lanka et à Phuket, j'ai vu beaucoup de gens de ces pays qui ont 140 000 morts au moins et qui ont été eux aussi touchés dans leurs familles. C'est un drame mondial et qui touche encore une fois, des pays très pauvres. Au Sri Lanka, j'ai vu des Français, des touristes, me dire la leçon d'humilité, la leçon de générosité qu'ils ont reçue des habitants du pays. Séisme et raz de marée meurtriers, catastrophe sans précédent en Asie du Sud-Est

question : On l'oublie trop souvent cela !

REPONSE : On l'oublie en effet trop souvent, ces gens qui ont tout perdu, qui n'ont pas grand chose, partagent le peu qu'ils ont. Quand ils n'avaient pas d'essence pour ramener les Français vers l'ambassade à Colombo, ils en trouvaient quand même ! Ces gens ont été formidables et je veux dire que cela justifie, non seulement l'élan de solidarité que nous devons faire maintenant envers eux, mais aussi, plus tard, l'aide à la reconstruction de ces pays.

question : Comment vous êtes-vous senti lorsque vous étiez sur place ? Que peuvent les gouvernements, les diplomaties face à une tragédie aussi gigantesque qu'instantanée et brutale comme celle-là ?

REPONSE : Il y a tout à faire ! Dans l'urgence, nous amenons du matériel - des dizaines et des dizaines de tonnes de fret humanitaire ont été apportées par la France -, nous envoyons des bateaux, Michèle Alliot-Marie a décidé d'envoyer la "Jeanne-d'Arc" avec des hélicoptères, elle sera sur zone la semaine prochaine pour aider au transport, nous envoyons des médecins. Au Sri Lanka, qui est l'un des pays les plus touchés avec l'Indonésie, nous avons envoyé le lendemain, un avion spécial militaire avec 100 sauveteurs secouristes qui travaillent sur place et cet avion est revenu avec des Français blessés.

question : Et lorsque l'on reproche en France ici ou là, de ne pas agir assez vite, de ne pas en faire assez ?

REPONSE : Nous n'en faisons jamais assez face à un tel drame et je ne prétends pas que tout a été parfait, mais ce que je peux dire, c'est que nous avons fait de notre mieux, immédiatement, à Paris au Quai d'Orsay où jusqu'à aujourd'hui, 350 volontaires se sont relayés au téléphone pour répondre - nous avons reçu 90 000 appels auxquels nous avons répondu - et sur place, les ONG, les envoyés des collectivités locales, les services de l'Etat ont tous fait leur travail.
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question : Mais, souvent en ordre dispersé alors, la France ne peut-elle pas proposer aux Nations unies un coordonnateur par exemple, Claude Malhuret, Jean-Christophe Rufin, Jean-François Matteï ou Bernard Kouchner qui en a l'envergure et la dimension.

REPONSE : Il y a en effet, parmi les gens que vous citez, des responsables qui ont l'envergure et l'expérience. Nous verrons avec le Secrétaire général, Kofi Annan, comment organiser le travail au mieux.

question : Mais vous n'excluez pas l'idée ?

REPONSE : Je n'exclus pas l'idée, encore une fois, il y a beaucoup de bonne volonté et, en effet parfois, au niveau européen notamment, nous manquons de coordination. Je pense que nous pouvons tirer des leçons de cette tragédie pour l'avenir, notamment s'agissant de l'aide au développement, d'une aide durable pour un développement durable dans ces pays pour procurer davantage de moyens et d'argent pour le développement de ces pays pauvres. Une catastrophe comme celle-là est encore plus terrible dans les pays pauvres, il ne faut jamais oublier cela.

question : Si je vous cite une phrase, vous souvenez-vous de son auteur ?
"Les cataclysmes de cette nature sont amplifiés par la caractéristique du pays, surpopulation, revenu par habitant extrêmement faible, atteinte au milieu naturel, autant de causes qui entretiennent le cycle infernal, pauvreté, effets des catastrophes naturelles".

J'ai retrouvé cela dans ma bibliothèque, "Atlas des risques majeurs" chez Plon, Michel Barnier, c'était il y a 16 ans, avec de très belles cartes.

REPONSE : Je vous dis la même chose aujourd'hui, je me suis toujours intéressé, - vous le rappelez en décrivant ce livre écrit il y a maintenant 16 ans, sur les risques majeurs dans le monde - comme ministre de l'Environnement, à cette problématique des risques, en pensant que la prévention coûtait moins cher que la réparation.
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question : Et ce sera le cas.
Il y a l'idée d'une force internationale d'urgence, peut-être mondiale ou européenne, qui progresse. Pensez-vous que c'est aux hommes politiques de décider de faire appliquer la notion de cette force ? A quoi ressemblerait-elle, Michel Barnier ?

REPONSE : Les hommes politiques sont responsables des budgets publics, c'est à eux d'avoir des idées et de les mettre en œuvre, en évitant de créer des "usines à gaz", comme le disait Jean-Christophe Rufin, à juste titre. Moi, j'ai une idée très précise que j'ai mesurée lorsque, commissaire européen, j'ai dû être confronté à des tremblements de terre en Grèce ou en Turquie, à des inondations en Allemagne et en France.

question : Et comment fait-on ?

REPONSE : Il y a des moyens partout, des moyens de protection civile et ce que je suggère, c'est simplement, non pas une "usine à gaz", mais un petit état-major commun qui mobiliserait, et mutualiserait des moyens existants, des moyens de protection : des pompiers, des techniciens, des médecins, des vaccinateurs, des hôpitaux transportables, tous les moyens dont on a besoin, face à l'urgence humanitaire. Ces professionnels auraient l'habitude de travailler ensemble, ces gens seraient formés ensemble, mais il s'agirait d'unités nationales, voire d'unités régionales, - en Allemagne, la protection civile est une compétence des Länder - qui, en cas d'urgence et selon la nature des catastrophes, partiraient ensemble en Europe ou en dehors de l'Europe.

question : Mais qui, dans l'intervalle, s'entraîneraient ensemble.

REPONSE : En effet et aussi ils feraient le travail, chacun chez eux, qu'il y a à faire lorsqu'il y a des problèmes de protection civile dans chacun de nos pays.

question : Mais il faudrait un état-major commun, qui le nommera ?

REPONSE : Il faudrait un état-major que le Conseil européen, les chefs d'Etat et de gouvernements, la Commission européenne, peuvent mettre en place. Ce sont des idées que nous avons avancées il y a 5 ou 6 ans, j'avais également proposé un fonds de solidarité pour les Européens.
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question : Mais, pour aujourd'hui et demain, il y a la prévention, il y aura, pour demain, le développement durable et la reconstruction de ces pays. La France aidera-t-elle sur le long terme ces pays ou, dans quelques temps, passera-t-elle à d'autres sujets ?

REPONSE : Ma réponse est oui et personnellement, je retournerai dans ces pays pour voir ce que nous faisons dans le moyen et le long termes. Il y a le devoir de solidarité envers nos compatriotes, il y a le devoir dans l'urgence envers les pays et leurs populations qui ont besoin d'eau potable, de nourriture et de soins. Et puis, il y a la reconstruction et pour cela, nous avons besoin de davantage d'argent, de moyens publics pour le développement, pour la lutte contre la pauvreté, la fameuse coalition contre la pauvreté qu'il faut créer, ces moyens ne sont pas suffisants.

Voilà pourquoi, permettez-moi de le dire, Jacques Chirac défend ces idées aux Nations unies : une fiscalité sur les ventes d'armes ou sur les échanges boursiers…

question : Ou ce que proposait hier aussi Bernard Kouchner, une "tsunami-contribution".

REPONSE : Oui, j'en ai parlé à M. Kouchner, il a eu une bonne idée qui est de mobiliser les banques, la micro-finance, pour apporter concrètement, pour la reconstruction des logements, des moyens aux gens qui en ont besoin, en évitant les circuits internationaux.

question : Et cette force, vous pensez qu'elle peut être créée au niveau européen, à partir de moyens qui existent déjà et avec un Etat-major commun qui serait européen ?

REPONSE : Il y a le besoin d'une force européenne de protection civile, mutualisant des moyens nationaux existants. Il y a le besoin, au niveau européen et mondial, de davantage d'engagements publics, d'argent pour un développement durable. Nous n'allons pas reconstruire à Phuket par exemple, ou au Sri Lanka ou en Inde, les hôtels comme on les avait construits alors qu'ils ont été détruits. Il faut tenir compte de cette catastrophe, il y a des leçons à en tirer. N'ayons pas la mémoire courte !
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question : Hier soir, vous avez participé à une émission de TF1 avec Sœur Emmanuelle qui parlait d'adoption, et vous avez laissé entendre, c'est ce qui ressort un peu des dépêches d'agences, que la France allait faciliter l'adoption d'orphelins pour éviter le jeu malsain des mafias.

REPONSE : J'ai répondu à une interpellation de Sœur Emmanuelle dont on sait la capacité d'amour qui est la sienne, notamment pour les enfants, et nous sommes très touchés par cette dimension particulière de la tragédie d'Asie car elle touche beaucoup d'enfants qui sont aujourd'hui orphelins dans cette région et aussi d'enfants orphelins en Europe. Gardons-nous de nous précipiter. L'adoption est un sujet sensible, il faut respecter des règles et probablement, s'il y a une demande supplémentaire et dans ces pays et chez nous, nous devrons y faire face. Mais respectons ces pays : il y a des lois et des règles. Il faut faire attention, s'agissant des enfants, à tous les trafics. Les responsables de l'UNICEF nous mettent en garde contre les enfants qui sont seuls et qui peuvent être exilés chez nous.

question : Je n'oublie pas que vous êtes ministre des Affaires étrangères : le président de la République vient de le réaffirmer, 2005 sera une grande année pour l'Europe. Les forces politiques, peuvent-elles être assurées ce matin que la question qui sera posée sur l'Europe sera simple, sans piège et non partisane ?

REPONSE : Ma réponse est oui. Cette question sera simple, sans piège, non partisane. Il ne s'agit pas de dire "oui" à Chirac ou "non" à Hollande, oui ou non au gouvernement. Il ne s'agit pas de cela, il s'agit de dire "oui" à un projet de Constitution européenne dont nous avons besoin pour que l'Europe soit plus efficace, plus solidaire et pour que la France puisse jouer son rôle dans le projet européen. Le "oui" sera pluriel, il doit être un "oui" pour l'Europe.
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question : L'Europe est aussi attendue sur l'Ukraine, quel type de relations, en peu de mots, la France peut-elle, veut-elle pour l'Ukraine "orange" avec l'Europe ?

REPONSE : Nous voulons, avec la nouvelle Ukraine démocratique, une relation de voisinage très forte, dans le cadre européen. Et dans ce cadre, nous avons proposé cette politique de voisinage, de partenariat avec l'Ukraine.

question : 2005 peut être une bonne année entre Israéliens et Palestiniens pour qu'il y ait des discussions de paix, y a-t-il des chances ?

REPONSE : Dans le nouveau contexte du Proche-Orient, avec une nouvelle Autorité palestinienne, un nouveau gouvernement dirigé par M. Sharon plus ouvert, avec un président américain réélu, avec une disponibilité des Européens, oui ! L'année 2005 doit être, peut être l'année de la paix au Proche-Orient, et je vais travailler à cela sous l'autorité du président de la République./.



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